Archive pour la catégorie ‘Faust Solhem’
Elle lui avait pris le visage entre ses longs doigts d’une manière sèche, sans pour autant avoir été brutale ni l’avoir heurtée. Elle l’avait examinée de ses grands yeux bleus froids, son souffle avait caressé sa joue et elle avait dû se mettre sur la pointe des pieds pour suivre le mouvement qu’on imposait à son visage.
Étrangement Faust n’avait pas objecté à ce contact bien particulier. Mais elle était nouvelle ici et Bryme l’avait particulièrement mise en garde contre Othaliel : les Elfes et leurs façons de faire avait-elle dit en se moquant d’elle-même par la même occasion.
Othaliel la scruta encore quelques secondes, Faust avait beau être sur la pointe des pieds elle était encore bien loin d’égaler la taille de l’Elfe, particulièrement grande, et commençait à fatiguer et à gigoter.
-C’est bon là ? Tu m’as vu d’assez près ? Elle avait veillé à ne mettre aucune hargne de ses propos, juste une pointe d’agacement peut-être, on ne se refaisait pas après tout.
Les sourcils d’Othaliel se froncèrent un instant puis elle relâcha sa poigne de la Castanic mais non sans maintenir son regard sur elle, celui-ci se fit d’ailleurs narquois et elle s’adressa à son interlocutrice d’un ton amusé.
-Ta mère ou ton père ?
-Je te demande pardon ? Répondit simplement Faust, décontenancée par une telle question, sortie d’elle ne savait où.
Othaliel poussa un soupir d’agacement, que ces courtes-pattes étaient lents d’esprits.
-Tu es métisse, je peux le voir. Alors… Ta mère ou ton père ? Insista l’Elfe.
Faust s’empourpra. Elle n’avait pour ainsi dire parlé de ça à personne hormis Bryme, et ça n’était pas elle qui allait le divulguer, elle était -en tant que Haute-Elfe- bien trop fière pour se vanter de se balader avec une demi-sang.
-J’vois pas de quoi tu parles ! S’exclama Faust, cette fois sans cacher sa grogne. Elle n’allait pas non plus se laisser déstabiliser par une blondasse et ce même si celle-ci se baladait avec une hache de la taille d’un cheval.
Elle fit demi-tour sans demander son reste et retourna près de son paquetage. Elles avaient été affectées ici toutes les deux, elle pour recueillir des échantillons de plantes contaminées, et Othaliel… Et bien Othaliel pour couvrir ses arrières, la faune sauvage n’étant pas particulièrement amicale dans le coin. Elle aurait voulu arguer qu’elle était capable de se défendre seule mais ça n’était qu’à moitié vrai, elle était encore trop faible, incapable de maîtriser réellement les arcanes de vie et de mort. En tant que Mystique elle avait encore un très, très, long chemin à parcourir.
Et d’ici à ce qu’elle y arrive il lui faudrait bien supporter des bras armés comme Othaliel, avec tout le lot de suffisance et de vanité qu’ils transportaient.
Dans son dos elle entendit un vague « c’est ça » jeté de façon méprisante mais rien de plus et du coin de l’oeil elle vit l’Elfe charger son cheval avec ses affaires.
-Aller active toi, Castanic, elle insista particulièrement sur ce mot, j’ai pas toute la journée. Je tape fort et tu cours vite, on devrait avoir terminé d’ici quelques heures si tout va bien.
En disant cela elle avait enfourché le grand hongre qui lui servait de monture. « Astyr » qu’elle l’avait appelé, il avait l’air aussi aimable que sa cavalière : prompt à mordre et à frapper.
Faust ne se le fit dire pas deux fois, elle attacha ses sacoches à la selle et d’un mouvement leste s’y hissa. Encore une longue journée en perspective maugréa t-elle intérieurement.
Le sang perlait de l’orbite qu’elle s’échinait à vider et lui dégoulinait sur les mains, entre les doigts, avant de venir maculer le sol entre ses pieds. Le nerf de l’oeil d’un basilic adulte n’était pas franchement chose aisée à trancher, et avec tout ce rouge elle n’y voyait rien. Elle ne pouvait pas se permettre de trancher dans le vif et de prendre le risque d’abîmer l’œil, l’autre planqué du Mysterium lui aurait fait la tête au carré sinon.
Elle soupira, se gratta machinalement le front du revers de la main, et enfonça de nouveau sa dague dans la cavité du géant mort. Ca n’avait déjà pas été une mince affaire de le tuer celui-là !
Un grognement impatient la fit lever les yeux, elle aperçu vaguement le sommet d’une lance dans son champ de vision. Elle n’y pouvait rien elle si ce machin refusait de céder ! D’autant que des yeux, elle en avait deux la bestiole !
A force de fourrager à l’aveugle elle finit tant bien que mal par faire céder la chair, l’œil se détachant tout seul vint alors rouler sur ses bras et finir sa course contre son ventre… Laissant une belle traînée rouge sur son passage. Nouveau soupir. En temps normal elle aurait probablement maudit Divinités majeures, mineures, Titans, Géants et compagnie… Mais le combat l’avait épuisée, elle se sentait vidée.
Elle chancela quelques secondes sur ses pieds avant de parvenir à maintenir sa position accroupie, tous ses membres étaient endoloris et il lui semblait sentir encore le sol trembler sous les attaques furieuses du basilic. Elle se massa doucement les poignets avant de commencer à retirer l’autre oeil.
Celui-ci fut plus simple mais il avait été abîmé dans le combat : tant pis l’autre devrait faire avec.
Une ombre apparue au-dessus d’elle alors que le second nerf cédait sous sa dague.
« Bouge tes miches Faust, ou on va se faire charger par un autre » lui asséna l’Aman protecteur qui l’accompagnait. Un coup d’œil rapide à son sourire plein de crocs confirma ses pensées : il se foutait ouvertement d’elle.
« Ta gueule, Bête à cornes » rétorqua t-elle, pince sans rire, tout en flanquant les deux yeux immenses et immondes au fond d’un sac en toile de jute.
Elle leva les yeux vers l’horizon mais ne vit rien d’autre que les ombres environnantes. Dans la noirceur perpétuelle de cet endroit elle se sentait chez elle, en sécurité, enveloppée par l’ombre, cachée aux yeux des autres.
Une main lourde et massive sur ses cheveux la fit sortir de ses pensées. Elle secoua vivement la tête et rabroua faussement l’Aman.
Une nouvelle journée en Arborea se finissait.
Demain serait un nouveau jour.
Demain serait pareil.