Archive pour juin 2010
Première parmi les Premiers elle fut une favorite. Sacrée, prodigieuse et talentueuse ses aspirations étaient à la mesure de ses compétences. Bras armé de tous les fronts elle donna Sang et Foi à la préservation humaine, auguste mission éternelle.
La rage au cœur, les désillusions s’emparèrent d’elle aussi vivaces et violentes que des gymnotes rompues d’éclairs. Le pouvoir n’affaiblit jamais que les hommes, si purs qu’ils furent souhaités les Elus se dévoilèrent avides et exclusifs.
Auguste mission éternelle… Bafouée aux yeux intransigeants de La Malsonge. Nul pardon, nul tolérance, nulle attente ne vint ranimer ses espoirs.
Unique contre tous elle s’insurgea, vociférant aux oreilles sourdes de son Dieu l’ignominie de ses Enfants, la lâcheté et l’oubli capricieux dont ils faisaient dorénavant preuve tous puissants qu’ils se pensaient.
Venue au monde dans la tourmente d’une nuit noire, dévorée par les orages, enflammée par les éclairs, noyée par le fracas du tonnerre, ses cris n’ont inquiétés nulle âme.
Déjà vorace et insatiable, la force vitale de sa matrice s’épuisa en quelques années seulement, aspirée telle un tourbillon par l’esprit dévoreur et vicieux de La Malsonge enfantine, trop immature pour comprendre l’intérêt de garder vivante celle qui la nourrissait alors.
Errante, mendiante, sauvage, Celle qui défiait les adultes grandit telle une mauvaise herbe, vivace et indestructible.
Sagace, débrouillarde, indépendante, Celle qui défiait les hommes se cultiva et progressa telle le chiendent des villes, invasive et effrontée.
Cruelle, méticuleuse, inexorable, Celle qui défiait le monde griffa son empreinte jusque dans le cœur des faibles, des valeureux, des justes et des couards.
Prétentieuse, éloquente, redoutable, Celle qui défiait l’Ordre vit s’abattre sur elle le courroux implacable des Elus d’Aion et devint la Spectatrice Immobile, l’Eternelle Maudite suspendue entre deux mondes.
A l’orée d’une conscience autre, l’âme prisonnière d’un cœur trop tendre et l’esprit entravé par des pensées trop élémentaires, la Première avait lutté des siècles durant pour rester éveillée.
La mort d’une la projetait dans le vide spectral, en stase, dans le chaos perpétuel de l’autre monde. La naissance de la suivante l’absorbait avec violence, comme une arme lancée avec fureur au front de l’ennemi. Leurs esprits se mêlaient, puis s’entrechoquaient, souvent indéfiniment, parfois finissaient par s’accorder.
Elle avait patienté, depuis la naissance de l’Originelle jusqu’à la délivrance de l’Ultime. Le chant guerrier et fédérateur des Rusées ne se ferait plus jamais entendre. Délivrée de sa malédiction, de ses entraves de chairs et de pensées autres, enfin.
Revenue d’entre les spectres, libérée de la surveillance des Parques, jamais morte mais privée de vie, La Malsonge porte de nouveau son regard sur le monde.
Toute la haine du monde concentrée entre des yeux violines et des lèvres sombres,
Que tous se souviennent à jamais
Que La Malsonge fait des cauchemars la Réalité.