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- Et tu me diras ce que ça fait hein ?!

La blondinette avait un air grave sur le visage, comme si le simple fait de savoir « ce que ça fait » allait changer son existence. Non vraiment… Dans quoi elle s’était embarquée encore.

- Mais laisse moi tranquille avec ça, il va rien se passer du tout je te dis !
- Mais Fauvine ! S’indigna t-elle, c’est important ! Tu vas devenir une femme avec ça !
- Une femme ? Tu plaisantes j’espère ? Je vais devenir rien du tout si ce n’est celle sur qui on se retourne parce qu’elle aura fait un truc stupide un jour !
- Mais non ! Et puis comme ça tu sortiras d’ici ! Au moins quelques jours !

Sepha arborait un de ces sourires-courges qui lui coupait le visage en deux, d’une oreille à une autre. Impossible de répondre quoi que ce soit quand elle avait cette tête là, ça lui donnait une envie irrépressible de rire… A laquelle elle s’adonna sans aucune vergogne et pendant de longues minutes.
La blonde prit son mal en patience, un petit sourire victorieux sur le visage. Elle le savait bien elle, que Fauvine aurait donné n’importe quoi pour sortir un peu et faire autre chose que ranger-servir-coiffer-nettoyer à longueur de journée. Elle attendit que la petite brune se calme et reprenne son souffle, elle aimait bien la voir rire comme ça, c’était suffisamment rare pour être précieux. Et « toute chose rare est précieuse » comme le lui répétait souvent son précepteur.

- Bon bon. Je vais y aller mais je suis sûre qu’il ne se passera rien.
- Roh aller ! Répliqua Sepha et lui donnant un petit coup de coude, je suis sûre que toi aussi tu n’attends que ça ! Jerod est un beau garçon, il est gentil et puis… La fille Temehon l’adule, rien que pour ça ça vaut la peine de faire n’importe quoi !

En y pensant c’était vrai. Mérésa de Temehon bavait proprement et simplement devant Jerod. Fauvine sourit doucement, ce serait cruel de faire une telle chose à celle qui empoisonnait sa vie depuis des années… Vraiment cruel mais… La vengeance est un plat qui se mange froid. Et elle aimait bien assez Jerod pour ne pas le laisser agoniser entre les griffes de cette harpie.

Elle ramassa les linges qu’elle venait de finir de laver et les remis tous dans le bac avant de l’empoigner et de repartir vers le manoir, le blonde sur ses talons.

- C’est d’accord, demain je partirai à la foire avec Jerod.
- Et comme ça tu échapperas pendant cinq loooongs jours à ta terrible Maîtresse ! S’exclama Sepha en sautillant.
- Et à Mérésa ajouta Fauvine.
- Et à Mérésa répéta Sepha qui pouffa de rire sans aucune discrétion.

La blonde la laissa quelques mètres avant le manoir, la Baronne n’aimait pas la voir et si elles les surprenaient ensemble Fauvine en aurait largement prit pour son grade. Des histoires de nobles il paraissait. Le père de Sepha s’était engueulé avec le Baron et depuis c’était la guerre entre ces deux familles.
Elle soupira, ça ne devait pas être simple pour son amie non plus, d’autant que son précepteur était un vieux hibou acariâtre et rabat-joie. Fauvine ne comprenait pas bien pourquoi Sepha l’admirait tant, sûrement encore une des différences dans leur éducation. Elle, elle n’en avait aucune, alors forcément beaucoup de choses lui échappait.

- Tu en as mis du temps !
- Pardon Madame, les lavoirs étaient tous occupés.
- Je m’en fiche, il commence à faire sombre ça n’aura jamais le temps de sécher !
- Je les mettrais au dessus du feu.
- C’est ça. Prends garde à ne rien brûler, ce qu’il y a là-dedans vaut plus que ta petite personne.

Elle s’éloigna de la Baronne à grandes enjambées, lui tournant le dos elle fit quelques mimiques en répétant les paroles âpres de la mégère. Dieu que cette femme lui pesait. Elle traversa la cour, les communs et les couloirs en courant presque, le bac tirant lourdement sur ses bras.
Elle finit par le déposer en soupirant de soulagement, ce truc pesait une tonne ! Elle resta là quelques minutes à regarder les domestiques passer devant elle. Ils s’affairaient pour une grande cérémonie qui avait lieu dans trois jours, les Maîtres célébraient leur nouvelle alliance avec elle-ne-savait-trop quelle famille. Peut importe, tout ce qu’elle voyait c’est qu’elle avait le triple de travail à faire ces jours-ci, heureusement demain Jerod et son père partaient pour la foire. Prétextant avoir besoin d’elle ils avaient demandés à la Baronne la permission de l’emmener avec eux, ça faisait longtemps que Fauvine avait décidé d’y aller.
Elle allait pouvoir souffler un peu.

- Au travail la muette ! ‘pas la peine de te reposer comme une vache y a du boulot !

La grosse Mé’ lui tapa sur la tête avec une baguette de pain, elle ne lui répondit pas, comme à son habitude et se releva en empoignant le bac de linge.

« La Muette ». Comme elle ne parlait qu’à de très rares occasions et finalement à très peu de personnes on l’avait rapidement affublé de ce surnom. Au moins… Personne n’essayait jamais de lui faire la conversation et c’était très bien, aucune raison de se lier avec toute cette troupe de serviles et de fourbes.
Elle grimaça en passant devant un des grand miroirs qui ornaient les couloirs. Elle aussi était comme ça. Elle n’arrivait juste pas à s’y faire.

Un vrai serpent. Cette femme était un serpent. Elle sentait son regard posé sur elle à travers le miroir et ça l’ennuyait profondément. Cependant elle n’en montrait rien, elle avait bien retenu la leçon.
Elle l’entendit reposer le peigne en ivoire sur le marbre de la coiffeuse et arrêta aussitôt son geste, reculant d’un pas.

- Non, continue, ce n’est pas encore parfait.

Elle fit un petit geste vif de la tête et reprit sa place. Du bas vers le haut, faire attention qu’aucun petit cheveu ne se rebelle, il fallait que sa satané tignasse « miroite ». Plusieurs minutes s’écoulèrent dans le silence complet, le regard de la Baronne toujours posé sur elle, elle eut du mal à ne pas froncer les sourcils. Dieu que ça lui pesait.

- Ça ira Fauve, vas chercher les rubans.

Elle acquiesça rapidement et se dirigea vers une commode en bois sombre avant d’en fouiller les tiroirs un à un. Elle savait que ça l’énervait.

- Mais bon sang ! Idiote ! Le troisième ! Ne vas-tu donc jamais le retenir ?!

Un sourire victorieux passa fugacement sur ses lèvres. Trop facile. Elle prit la boîte à ruban là où elle était et retourna vers la Baronne, furibonde, avec un air désinvolte.

- Quelles couleurs Madame ?

Elle savait qu’elle jouait avec le feu. Cette femme était agressive et impatiente, elle pouvait faire ce qu’elle voulait d’elle. Mais c’était, à chaque fois, trop tentant.

- Blanc et Or répondit la Baronne d’une voix éraillée qui débordait de colère mal contenue.
- Bien Madame.

Elle ignora superbement les regards assassins qu’elle lui lançait et entreprit de nouer méticuleusement chaque ruban dans la longue chevelure blonde de la noble. Que de temps perdu pour des bouts de tissus qui ne tiendraient en place qu’une heure…

Devant son miroir la femme, Maîtresse de toute la maisonnée, observait chacun des gestes de l’adolescente. Elle n’arrivait pas à lire en elle et ça l’agaçait fortement. Elle n’avait aucune emprise sur cette sauvageonne.

- Voilà Madame

A ces mots la Baronne cessa d’examiner sa jeune servante et regarda son reflet dans le miroir. Sa coiffure était correctement rehaussée, les rubans parfaitement disséminés. Comme d’habitude elle n’avait rien à redire et une mimique énervée se dessina quelques secondes sur son visage avant de disparaître.

- Comment tu me trouves ?
- Très belle Madame.

Fadasse et ridicule.
Ses parents lui avaient toujours dit de ne pas mentir, d’être honnête. Vivre aux côtés des nobles de Lordaeron lui avait enseigné l’inverse. Comme quoi…

La Baronne se leva prestement, balança à terre le peigne qu’elle tenait dans sa main et sortit de la pièce sans un regard pour la jeune fille qui resta plantée là quelques secondes. Son regard se porta vers la coiffeuse, passa rapidement sur la porte qui venait de claquer et se posa sur la fenêtre ouverte.

- Et je m’appelle Fauvine.