Un vrai serpent. Cette femme était un serpent. Elle sentait son regard posé sur elle à travers le miroir et ça l’ennuyait profondément. Cependant elle n’en montrait rien, elle avait bien retenu la leçon.
Elle l’entendit reposer le peigne en ivoire sur le marbre de la coiffeuse et arrêta aussitôt son geste, reculant d’un pas.
- Non, continue, ce n’est pas encore parfait.
Elle fit un petit geste vif de la tête et reprit sa place. Du bas vers le haut, faire attention qu’aucun petit cheveu ne se rebelle, il fallait que sa satané tignasse « miroite ». Plusieurs minutes s’écoulèrent dans le silence complet, le regard de la Baronne toujours posé sur elle, elle eut du mal à ne pas froncer les sourcils. Dieu que ça lui pesait.
- Ça ira Fauve, vas chercher les rubans.
Elle acquiesça rapidement et se dirigea vers une commode en bois sombre avant d’en fouiller les tiroirs un à un. Elle savait que ça l’énervait.
- Mais bon sang ! Idiote ! Le troisième ! Ne vas-tu donc jamais le retenir ?!
Un sourire victorieux passa fugacement sur ses lèvres. Trop facile. Elle prit la boîte à ruban là où elle était et retourna vers la Baronne, furibonde, avec un air désinvolte.
- Quelles couleurs Madame ?
Elle savait qu’elle jouait avec le feu. Cette femme était agressive et impatiente, elle pouvait faire ce qu’elle voulait d’elle. Mais c’était, à chaque fois, trop tentant.
- Blanc et Or répondit la Baronne d’une voix éraillée qui débordait de colère mal contenue.
- Bien Madame.
Elle ignora superbement les regards assassins qu’elle lui lançait et entreprit de nouer méticuleusement chaque ruban dans la longue chevelure blonde de la noble. Que de temps perdu pour des bouts de tissus qui ne tiendraient en place qu’une heure…
Devant son miroir la femme, Maîtresse de toute la maisonnée, observait chacun des gestes de l’adolescente. Elle n’arrivait pas à lire en elle et ça l’agaçait fortement. Elle n’avait aucune emprise sur cette sauvageonne.
- Voilà Madame
A ces mots la Baronne cessa d’examiner sa jeune servante et regarda son reflet dans le miroir. Sa coiffure était correctement rehaussée, les rubans parfaitement disséminés. Comme d’habitude elle n’avait rien à redire et une mimique énervée se dessina quelques secondes sur son visage avant de disparaître.
- Comment tu me trouves ?
- Très belle Madame.
Fadasse et ridicule.
Ses parents lui avaient toujours dit de ne pas mentir, d’être honnête. Vivre aux côtés des nobles de Lordaeron lui avait enseigné l’inverse. Comme quoi…
La Baronne se leva prestement, balança à terre le peigne qu’elle tenait dans sa main et sortit de la pièce sans un regard pour la jeune fille qui resta plantée là quelques secondes. Son regard se porta vers la coiffeuse, passa rapidement sur la porte qui venait de claquer et se posa sur la fenêtre ouverte.
- Et je m’appelle Fauvine.